Selon Antonio Pereira, responsable du programme Bolsa Familia à Crateús, «?Il faut être résolu à changer les choses et faire en sorte que les bénéficiaires ainsi que les personnes chargées de la gestion du programme aient accès aux informations?»

Brasilia, 16 juillet 2015 – La municipalité de Crateús, située dans l’arrière-pays aride de l’État du Ceará, est devenue un modèle national de suivi efficace du programme Bolsa Familia.

En 2013, Crateús, onzième ville la plus peuplée de l’État, a fait partie des finalistes du prix Rosani Cunha décerné par le Ministère du développement social et de la lutte contre la faim. Cette récompense intervenait après la mise en place par la municipalité d’une série de mesures novatrices, parmi lesquelles la création d’une cellule spécialisée d’appui aux 14 350 familles inscrites dans le Registre unique et l’amélioration de la gestion des conditions d’accès au programme Bolsa Familia. Ces différentes initiatives ont permis à plus de 8 000 familles supplémentaires d’accéder aux services de santé, d’éducation et d’assistance sociale.

La municipalité de Crateús figurait parmi les finalistes du prix Rosani Cunha décerné par le Ministère du développement social et de la lutte contre la faim (MDS). Photo : Ubirajara Machado/MDS

La municipalité de Crateús figurait parmi les finalistes du prix Rosani Cunha décerné par le Ministère du développement social et de la lutte contre la faim (MDS). Photo : Ubirajara Machado/MDS

L’engagement de la ville en ce qui concerne le suivi de la mise en œuvre du programme Bolsa Familia a donné des résultats positifs dans les domaines de la santé et de l’éducation (vaccinations à jour des enfants de 0 à 7 ans, taux de malnutrition et de mortalité infantile en baisse, accès de 381 femmes enceintes ou allaitantes à des soins médicaux, localisation de 45 % des 1 661 élèves dont on avait perdu la trace pour diverses raisons (changement d’école, etc.), ce qui permet de contrôler la fréquentation scolaire de 90 % des enfants bénéficiaires du programme. Antonio José Marques Pereira, responsable du programme Bolsa Familia à Crateús, revient plus en détail sur ces différentes initiatives.
Antonio Pereira : Le blocage ou la suspension des allocations des familles qui ne respectent pas les conditions du programme nous ont amenés à nous concentrer sur la mise en œuvre de cette approche intersectorielle. Photo : archive personnelle.

Antonio Pereira : Le blocage ou la suspension des allocations des familles qui ne respectent pas les conditions du programme nous ont amenés à nous concentrer sur la mise en œuvre de cette approche intersectorielle. Photo : archive personnelle.

Initiative WWP : Dans quelle mesure les conditions imposées par le programme Bolsa Familia étaient-elles respectées dans la municipalité avant l’adoption de ces pratiques novatrices?? Quelles étaient les principales causes de non-respect??

Antonio Pereira : En 2012, nous étions confrontés à de nombreux problèmes. Le total de bénéficiaires s’élevait à 11 000 personnes, mais nous avions souvent affaire à des familles dont les allocations avaient été bloquées, parce qu’elles n’avaient pas respecté les conditions du programme. Nous nous sommes aperçus qu’outre leur vulnérabilité, souvent aggravée par des facteurs tels que des conflits familiaux, la drogue ou le manque de transports, elles n’avaient pas accès aux bonnes informations. Nous avons dès lors décidé d’agir.

 

Initiative WWP : Avant 2012, comment s’effectuait à Crateús le suivi du respect des conditions à remplir pour bénéficier du programme?? Quelles étaient les principales difficultés??

A.P. : Jusqu’en 2011, il n’y avait aucune politique robuste de suivi du respect des conditions. En outre, nous n’étions ni en mesure de faire face au nombre considérable de demandes émanant d’usagers du programme Bolsa Familia ni de remédier aux conséquences du non-respect des conditions. Les Secrétariats chargés de la santé, de l’éducation et de l’assistance sociale travaillaient tous chacun de leur côté avec les familles, de sorte que les responsabilités étaient individualisées.

En 2012, l’État a néanmoins décidé d’introduire une culture de l’intersectorialité au sein de ces trois entités. Nous avons dès lors pu unir nos efforts pour nous attaquer aux problèmes liés au non-respect des conditions du programme à l’échelle de la municipalité.

 

Initiative WWP : Comment cette approche intersectorielle a-t-elle été mise en place dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’assistance sociale??

A.P. : Nous avons reçu des instructions du Ministère du développement social et de la lutte contre la faim, qui nous a donné le feu vert pour appliquer une approche intersectorielle à l’échelle municipale. Nous avons également participé à des sessions de formation. En 2012, au vu du blocage ou de la suspension des allocations des familles qui ne respectent pas les conditions du programme, nous avons compris qu’il fallait rendre cette approche intersectorielle pleinement opérationnelle.

Nous avons commencé à travailler ensemble et nous avons créé, en 2013, la cellule intersectorielle du programme Bolsa Familia, composée de représentants des Secrétariats de la santé, de l’éducation et de l’assistance sociale. Les membres de cette cellule forment une équipe toujours bien informée, désireuse d’apprendre et de se former, mais aussi de tester et comprendre de nouveaux programmes, de prendre des initiatives et de préparer l’avenir.

 

Initiative WWP : Quelles pratiques ont-elles été adoptées pour renforcer le suivi du respect des conditions du programme par les bénéficiaires et améliorer l’accès des familles aux soins de santé et à l’éducation??

A.P. : Nous avons décidé que les responsables du programme Bolsa Familia devaient collaborer avec les équipes chargées de l’éducation, de la santé et de l’assistance sociale. Nous les avons tous réunis dans une salle, en présence d’un éducateur et d’un travailleur social, pour évoquer la question de la diffusion des informations aux familles bénéficiaires. Ces personnes se sont ensuite rendues auprès des familles pour animer des séances d’information au sein des communautés.

Cela nous a permis de déceler plus facilement les problèmes. Nous avons ainsi commencé à chercher les élèves dont nous avions perdu la trace. Puis nous avons créé la cellule intersectorielle du programme Bolsa Familia, qui regroupe les principaux acteurs concernés (enseignants, directeurs d’école, agents de santé, etc.).

Maintenant que cette équipe solidement établie et pleinement opérationnelle, ces professionnels sont désormais chargés de nous informer sur les familles qui ne respectent pas les critères. Cette collaboration avec les acteurs des trois principaux secteurs nous permet de mesurer les effets et les résultats de nos initiatives.

Une travailleuse sociale rend visite aux familles bénéficiant du programme Bolsa Familia : «?Cette collaboration avec les acteurs des trois principaux secteurs nous permet de mesurer les effets et les résultats de nos initiatives?», explique Antonio Pereira. Photo : Ana Nascimento/MDS

Une travailleuse sociale rend visite aux familles bénéficiant du programme Bolsa Familia : «?Cette collaboration avec les acteurs des trois principaux secteurs nous permet de mesurer les effets et les résultats de nos initiatives?», explique Antonio Pereira. Photo : Ana Nascimento/MDS

Initiative WWP : Quels sont les principaux résultats??

A.P.  : Nous avons obtenu des résultats dans les domaines de la santé et de l’éducation. En mars 2013, on avait ainsi perdu la trace de 1 361 élèves censés être scolarisés. En novembre de la même année, ce chiffre était retombé à 265, soit cinq fois moins que précédemment, ce qui constitue une belle réussite. Les élèves ont davantage conscience de l’importance de l’école et nous avons amélioré leur accès à des droits tels que le transport scolaire pour ceux qui vivent dans des zones éloignées.

Dans le secteur de la santé, nous avons parallèlement constaté des progrès significatifs. À la fin de l’année 2014, 99,95 % de l’ensemble des femmes enceintes de la ville bénéficiaient d’une prise en charge médicale et la vaccination des enfants était à jour, des résultats bien supérieurs à la moyenne nationale.

Grâce à des visites à domicile, à des campagnes de sensibilisation et à la motivation de tous les intervenants, nous avons pu davantage nous concentrer sur la qualité des données contenues dans le Registre unique, qui s’est progressivement améliorée (la fiabilité des données joue un rôle essentiel dans le ciblage et le suivi des familles dans les domaines de la santé et de l’éducation).

 

Initiative WWP : Des activités sociales sont-elles menées auprès des familles, qui, malgré tous les efforts déployés, continuent de ne pas respecter les conditions du programme??

A.P.  : Il s’agit bien entendu pour nous d’un travail de longue haleine. La cellule intersectorielle continue d’informer les communautés par le biais de la radio, de brochures et de visites régulières. Elle donne la priorité aux familles à problèmes, mais ce sont parfois les dirigeants communautaires ou les directeurs d’école qui nous appellent.

Lors des visites de terrain, nous parlons beaucoup la lutte contre la pauvreté, du programme Bolsa Familia et de l’importance de la scolarisation. Nous formons également des travailleurs sociaux. La première séance de formation a eu lieu en 2013 et la deuxième, qui visait à former les nouvelles recrues et à reconvertir l’équipe, vient de se terminer.

 

Initiative WWP : Êtes-vous satisfait ou reste-t-il des défis à relever??

A.P.  : Oui, nous sommes satisfaits. En 2013, nous faisions partie des finalistes du prix Rosani Cunha décerné par le Ministère du développement social et de la lutte contre la faim, ce qui nous a conféré une visibilité au plan national. Nous devons cependant redoubler d’efforts pour rompre le cycle de la pauvreté.

 

Initiative WWP : Quels sont les principaux enseignements tirés de votre expérience dont vous souhaiteriez faire profiter d’autres responsables de programme, au Brésil et à l’étranger??

A. P.  : Il faut être déterminé à changer les choses et faire en sorte que les bénéficiaires comme les personnes chargées de la gestion du programme aient accès aux informations, pour que tous puissent comprendre la situation et apporter leur contribution, tout en étant conscients de la nécessité d’aider les autres. L’accès aux renseignements voulus nous a permis d’avoir des agents en mesure de remplir leur mission et nous a aidés à faire en sorte que les bénéficiaires du programme Bolsa Familia soient informés de leurs droits.

En savoir plus sur les conditions du programme Bolsa Familia
Résultats et impacts du suivi du respect des conditions du programme Bolsa Familia dans le domaine de l’éducation
Marianna Rios, WWP