La Directrice des Centres de référence de l’assistance sociale de Recife souligne la nécessité d’avoir recours à des outils standardisés
Brasilia, 1er juillet 2015 – Après l’adoption de la grille de recensement du Système unifié d’assistance sociale (SUAS), la ville de Recife a amélioré la qualité de la prise en charge sociale (lire l’article ici). Selon Andrezza Sandrelly, Directrice des Centres de référence de l’assistance sociale (CRAS) de Recife, le recours à des outils standardisés permet d’évaluer la vulnérabilité sociale et aide les responsables des politiques de protection sociale à concevoir des stratégies de lutte contre l’extrême pauvreté.
« Ce système bien organisé de collecte de données nous permet de mieux orienter nos discussions et a un impact positif sur les perspectives d’avenir de ces familles », indique-t-elle. Cela montre la place qu’occupe le système de protection sociale du Brésil en tant que politique publique, un exemple qui pourrait donner à réfléchir à d’autres pays.
Monde sans pauvreté : À quoi sert la grille SUAS??
Andrezza Sandrelly : Il s’agit d’un outil qui vise à améliorer la gestion des prestations familiales des CRAS et des CREAS (Centres de référence spécialisés de l’assistance sociale). Il sert à compiler des informations sur les vulnérabilités, les risques, les dangers, etc. auxquels sont exposés les bénéficiaires et à saisir des informations sur les interventions de suivi mises en place. Ces données reflètent l’amélioration de nos processus opérationnels et, ce faisant, la qualité des services offerts aux usagers du SUAS ainsi qu’à leurs familles. La standardisation des données facilite la tâche des agents et des familles, car même si les effectifs sont renouvelés, les dossiers des usagers sont bel et bien conservés. C’est un moyen de tenir à jour les dossiers des familles sans risque de perte de données.
Initiative WWP : Qu’est-ce qui distingue la grille SUAS du Registre unique (CadÚnico)??
A. S. : Ils remplissent avant tout des objectifs différents. La grille SUAS n’est pas un registre à proprement parler. Elle sert à recueillir des données sur l’aide dont bénéficient les usagers suivis par les CRAS (des personnes rendues vulnérables par la pauvreté et qui ont des liens plus ou moins forts avec leur famille et leur communauté) et par les CREAS (des personnes ayant peu d’attaches familiales et dont les droits sont bafoués). Il s’agit de collecter des informations générales sur les familles, telles que le type de ménage, sa composition et son niveau de revenus, ainsi que des données sur les interventions techniques et l’interruption des services pour obtenir un panorama global des bénéficiaires et de l’assistance reçue au fil du temps.
CadÚnico est en revanche un registre servant à répertorier les familles à faible revenu au niveau fédéral, ce qui lui confère une portée bien plus étendue que la grille SUAS. Il recense les ménages dont le revenu mensuel par habitant est inférieur ou égal à la moitié du salaire minimum ou dont le revenu mensuel total est inférieur ou égal à trois fois le salaire minimum. Il sert à évaluer la situation socio-économique des familles et à leur donner accès à des programmes sociaux à trois niveaux administratifs différents. Il s’agit aussi d’une base de données qui permet d’orienter les dépenses consacrées aux politiques publiques et de dresser un aperçu global de la population brésilienne.
Ces deux outils ont pour objectif d’améliorer l’efficacité du Système unifié d’assistance sociale et ils ont d’ailleurs déjà convergé à plusieurs reprises – des données générales contenues dans CadÚnico [comme le type de ménage, sa composition, son niveau de revenus, etc.] peuvent être extraites et utilisées dans la grille SUAS et, par exemple, les données de CadÚnico peuvent être utilisées pour évaluer les quartiers les plus vulnérables et déployer des équipes des CRAS.
Initiative WWP : La grille SUAS est un nouvel outil. Comment étaient conservées les informations sur le travail social accompli dans votre municipalité avant l’adoption de cette grille unique?? Quels grands changements a-t-elle apportés?? Quels sont les principaux avantages de ce système de standardisation des données??
A. S. : Pour collecter des informations à Recife, on utilisait auparavant la fiche familiale (FIF) conçue par les CRAS et les services sociaux. Ce document permettait de consigner des informations générales sur les familles et l’aide qui leur a été fournie au fil du temps. Il s’agissait néanmoins d’un document très succinct et limité. La grille a amélioré la qualité des informations. Elle a fait avancer la réflexion sur la qualité du suivi et a permis d’augmenter le nombre d’évaluations de suivi et de consultations du Registre unique.
La standardisation des données a amélioré la qualité des actions et des initiatives mises en place, ainsi que l’identification des compétences par les responsables des services sociaux à l’échelon municipal. Elle s’est également traduite par des investissements mieux ciblés dans les services et par une amélioration qualitative des prestations familiales grâce à la précision des données saisies.
Initiative WWP : Recife est l’un des premières municipalités à avoir adopté cette grille. De quelle façon cet outil a-t-il été progressivement adopté par les services sociaux?? Quelles ont été les principales difficultés rencontrées?? D’autres outils sont-ils à l’essai actuellement??
A. S. : À l’heure actuelle, tous les CRAS de Recife utilisent cette grille pour les familles suivies par le PAIF [Service de protection et de soutien intégral aux familles]. Il a d’abord fallu organiser en interne des discussions en matière de gestion avec le service de la protection sociale de base, la direction des CRAS et les services de coordination des CRAS. Une fois que les équipes ont pleinement pris conscience de l’intérêt de ce document [en août 2013], nous avons décidé de remplacer progressivement la fiche FIF par la grille SUAS pour toutes les familles bénéficiant d’une aide sociale. Pour les nouveaux bénéficiaires, la grille SUAS a été utilisée d’entrée de jeu. Les services de coordination des CRAS ont collaboré avec les différentes équipes pour s’assurer que tous comprennent bien l’importance de cet outil. Nous nous sommes toutefois heurtés à la résistance de certains employés qui trouvaient ce document trop long, ce qui pouvait agacer certains usagers.
Nous avons donc effectué un travail de sensibilisation auprès de ces employés. Le Ministère du développement social et de la lutte contre la faim a organisé ensuite une session de formation animée par un employé d’un CRAS pour expliquer comment utiliser la grille. Par la suite, l’un des participants à cette session a animé à son tour une formation pour répondre aux questions des employés des CRAS. Ce processus d’apprentissage horizontal, où les connaissances se transmettent d’un employé à l’autre, a, de fait, facilité l’adoption de cet outil par nos équipes.
Formation du personnel à Recife : « Ce processus d’apprentissage horizontal, où les connaissances se transmettent d’un employé à l’autre, a, de fait, facilité l’adoption de cet outil par nos équipes », souligne Andrezza Sandrelly. Photo : CRAS de Recife
Les difficultés rencontrées dans le déploiement de cet outil tiennent au nombre de familles que nos agents, peu nombreux, doivent suivre. Cette grille exige de recueillir davantage d’informations et de meilleure qualité et de consacrer plus de temps au suivi. Le ratio actuel famille/agent ne répond pas aux besoins. Je pense qu’il faut investir davantage dans la qualité des informations collectées et donner aux utilisateurs de cette grille la possibilité de suggérer des améliorations dans le document lui-même.
Initiative WWP : En quoi l’expérience de Recife peut-elle être utile aux responsables des services sociaux dans d’autres pays??
A. S. : Elle peut leur donner un aperçu du système de protection sociale brésilien, où l’aide est gérée dans le cadre de politiques publiques mises en œuvre en utilisant des instruments tels que la grille SUAS. L’adoption de ce nouvel outil a permis à la ville de Recife d’évaluer le nombre de familles vulnérables sur le plan social prises en charge par les CRAS et les CREAS dans le cadre du PAIF. Il lui a également permis de donner les moyens aux familles de faire respecter leurs droits. Les données contenues dans la grille permettent aux responsables des services sociaux d’évaluer la vulnérabilité sociale au Brésil et de concevoir des stratégies visant à lutter contre l’extrême pauvreté. Cet ensemble de données bien organisé nous permet de mieux orienter nos discussions et a un impact positif sur les perspectives d’avenir de ces familles.